jeudi 1 mai 2008

Skream au nouveau casino le 25 avril 2008

Un texte pour m'expliquer l'importance de cette soirée.

Skream joue du dubstep, majoritairement instrumental, entre laptop et platines. dans ses meilleurs moments il invente un espace sonore inédit pour moi.





Les rythmes et motifs propres à des styles qui furent successifs et antagonistes dans l'histoire de la pop électronique (house, techno, dub, hip hop) sont ici superposés et simultanés ! Ecoles et genres presque toujours séparés entre musiques noires : tendance hip hop R'n'B / et musiques blanches : dance et techno sont tramés entre eux. Ces résidus sont indifférents à leur origines, ils résonnent encore dans la tête comme de lointains échos du siècle passé mais entre les mains d'un DJ qui les traite comme des abstractions informatiques.






Il élargit ou approfondit le geste du DJ à savoir qu'il n'est plus seulement celui qui enchaine les disques (fonction de montage) ou celui qui les diffuse (fonction d'agrandir leur auditoire), il est désormais aussi celui qui écoute plus profondément et SIMULTANEMENT plusieurs sons, pistes (tracks), plusieurs disques en même temps. On peut facilement se laisser emporter dans une sorte d'hystérie de gesticulation ne sachant plus sur quel rythme danser.





C'est cette simultanéité dans l'écoute qui densifie la trame des rythmes mixés par Skream, rythmes caribéens, secs et clairs, parfois même bossa ou latino, basses techno, hi-hat de house, sample de larsens de guitare, synthés rave, breaks de hardcore à la Prodigy, mis en boucle et répétés comme trame de fond continue et frénétique. Supersposition de snares et drumpads issus du ragga et du dub, ambiences de jungle mais démontés et raréfiées, il déstructure la batterie en leur différents usages issus des musiques électros. Il hérite aussi de l'ambient, de la musique de film ou du trip-hop Bristolien tendance Third eye Fondation (sombre et angoissante à base de samples de vyniles qui craquent) pour des sons fantomatiques à peine perceptibles. Il intègre naturellement de la chip tune/ musique de jeu vidéo dans certains motifs et gimmicks de break beats. On est dans autre chose que la culture du sample et du collage virtuose à la DJ Shadow, qui reste finalement trop proche de la chanson et de l'art de l'arrangement sonore. Skream expose des squelettes de rythmes et des gimmicks de tous horizons : associés, dilatés, fragmentés, à peine esquissés ou mis en boucles qui transporte le danseur dans un non-lieu culturel. Des anciens styles musicaux fantomatiques, il ne reste que les structures et pas (ou peu) les sons : tous aplatis dans la mémoire digitale.





Skream construit un espace sonore dilaté : espace plus large et ample que celui du crescendo orgasmique, tribal et efficace de la techno classique. La tête et le corps du DJ sont l'antichambre de celle dans laquelle la foule danse et écoute. Il ne fait pas une musique nouvelle, le dubstep dont il est un chef de file atteint rarement cette complexité. La nouveauté est dans l'espace d'écoute qu'il ouvre et réalise, celui d'un jeu de mémoire et de computation, de coexistence de tant de gestes et d'incarnations musicales récentes. On peut entendre là qq chose de réellement nouveau qui commence en 2008.










Le défi reste bien sur de qualifier et de décrire cette espace d'écoute inouïe : du dub industriel ? Un terme qui pourrait aussi convenir à Plastikman (l'album consumed) mais cette fois-ci en plus dansant sans être moins méditatif. Pendant son set, face à la multiplicité des rythmes et aux vitesses de ces rythmes, je me suis rendu compte qu'on pouvait vraiment choisir sa propre vitesse de mouvement, danser à son porpore rythme dans la même foule. Il y a qq chose de Cagien là dedans, on danse ensemble sur les même sons mais pas sur le mêe tempo et donc en ne suivant pas le même klimax. On est dans une sorte de danse post-danse, on peut méditer et observer les structures évolutives ou simulténées ET/OU danser en même temps. La dépense d'énergie propre à la sortie en club devient donc plus solitaire et autonome, on ne lève pas les bras au son du même crescendo tous ensemble comme ca arrivait avec l'acid ou la transe.





On s'excite par plateaux et par niveaux montants ou descendants, sans linéarité. Skream se permettant même de longs breaks silencieux de 15 secondes qui ne sont ni des entre-deux ni des ratés, mais bien des plages ambient muettes avant la reprise du rythme précédemment interrompu, avec une boucle en plus qui fait monter ou bifurquer la frénésie. Sans début ni fin, des moments à voler pour soi-même, à se donner à partir de ce qu'il organise. On a pu d'ailleurs comparer son style avec les autres DJs qui lui ont succédé, jouant du ragga bourrin, sans vision temporelle (structure) d'ensemble et même défaillants techniquement.







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