dimanche 21 septembre 2008

Haussmann Sound System

La Techno Parade (qui a eu lieu le 21/09/2008) est un événement merveilleux, non pas pour sa défense/promotion de la musique techno, mais pour le fait qu'elle se déroule à Paris et qu'elle traverse la Paris Haussmannien.



Ici cette musique prend tout son sens et une puissance inédite. Elle prend son sens en ce qu'elle est une musique tribale ET technologique faire pour être écoutée très fort, comme on le peut rarement chez soi. Elle parle au corps au travers d'ondes et de pulsations, plus qu'aux oreilles.

Elle prend un sens inédit en ce qu'on peut ici l'entendre dans un espace beaucoup plus vaste que dans un club car les façades Haussmaniennes fonctionnement comme des membranes, comme des prolongements de baffles de hauts-parleurs. Si les façades sont des membranes réfléchissantes qui diffusent le son, elles en agrandissent l'envergure. Ce son est alors entendu (par le corps présent dans la rue) à 360°, il vient de partout !

Entre les speakers et l'oreille dans laquelle le son pénètre, il est passé par l'air et l'espace, qui lui ajoutent et dépose en lui de la matière : de la réverbération. Le son se promène et se dilate avec le vent et la multitude des facades se faisant face (surtout entre Opéra et République où les avenues sont assez étroites).

Le son entre dans mes oreilles : c'est comme si l'avenue et une partie de l'espace de la ville entrait dans mes oreilles et mon corps, EN MEME TEMPS que moi même je suis absorbé et tout petit dans cette masse, dans cette foule. Ce double avalement-pénétration réciproque est inévitable dans toute écoute musicale mais là, il devient plus aigu encore à cause des rapports d'échelle. La perspective chère à Haussmann devient ici une vraie perspective sonore qui se boucle paradoxalement sur elle même, une sorte d'anneau de Moebius auditif. on y trouve un effet narcissique et érotique du corps dans le son. Il se projette et rebondit sur lui même tout en étant pénétré par l'espace alentour.
La meilleure place dans la foule étant entre deux chars, plus proche du second, recevant alors en retard le son de celui qui précède mais percevant encore trop mal celui qui suit. Le son tourne. N'est perceptible qu'une pulsation sourde mais intense, intestinale presque, la pulsation de la ville même. L'au-delà invisible de Paris (c'est à dire de cette masse de corps qui y vivent) épouse l'image qu'elle exhibe en défilant. Le réel (la vie dans Paris) et sa représentation (ce défilé) se superposent enfin pour un bref instant. Avant de retourner dans les masques, les faux fuyants et les rapports de force quotidiens.

La Techno Parade à Paris (je ne connais pas celle des autres villes européennes) figure et réalise le potentiel sonore de l'architecture et de l'urbanisme parisien. Je suis trés reconnaissant à Haussmann /à son Epoque d'avoir produit, sans le savoir, cet espace auditif, ce sytème sonore. La musique techno répondant parfaitement à ces PLIS et GRILLES structurales des façades de pierre.

La Techno Parade, c'est une promenade dans les égouts (l'inconscient) sonores de Paris, mais à ciel ouvert. Une promenade dans une foule où le contact devient facile et détendu, une foule réunie par le fait justement (tautologiquement) d'être ensemble, non pas de bouger tous au même rythme (vision caricaturale de la musique dansante), mais de bouger chacun avec son corps et à son rythme dans le même espace sonore partagé. Sans message politique ni aucune revendication, heureusement !


Le baron Haussmann a fait des études de musique au Conservatoire.

vendredi 19 septembre 2008

Pro Nails

Deep gloss

Quelques liens : ici


ou

ou l'article suivant :

Nail Art


Philippe Decrauzat : suzy 1, 2005


Marilyn Minter, Glazed, 2006, peinture sur émail


Marilyn Minter : manicure, 2002, c-print



Morgane Tschiember
Valérie Belin : Untitled (06011301), 2006


Westwood, dead cat boundary

Sylvie Fleury, dustbin
Anish Kapoor, cloud gate

Rachel Harrison, trees for the forest, 2007



Eversley, FJ_unt (3 color, 3 layer) 1970, résine


DeWain Valentine : ring, dark mauve, 1972, resine

Isa Genzken, détail


Robert Smithson, Gyrostasis, 1968


Craig Kauffman, sans titre, plexi moulé, 1968

Kimberley Clark
Armen Guerboyan


Rachel Harrison, Tiger woods, 2007


Quelques pistes et intuitions personnelles pour essayer de comprendre ce qui m'intéresse dans cet art populaire de l'ongle paint et décoré.


Un théatre de la main ! Masquer ou travestir ses doigts comme on maquille ses paupières ou ses lèvres ! la main est entrée sur la scène de la séduction au travers de l'image pornographique qui permet à tout corps (ou presque) de s'insérer dans des codes et d'accéder au jeu de la séduction ! Aujourd'hui pas une seule photo porno sans main féminine aux ongles faux, peints ou mis en scène. L'ongle n'est plus un élément donné et résiduel du corps naturel dans l'image, il doit aussi devenir objet d'une attention et donc altération esthétique, il participe du fantasme au lieu d'en être un témoin silencieux.
Bruce Conner, Untitled (Hand, Nose & Compact), 1982, photographie


La main qui tient le téléphone portable prolonge cela au niveau du bijou et d'un délire très fin 19eme siècle, entre décadence et expérimentation décorative.
Linda Benglis, night sherbert, 1969, pigmented polyurethane foam
Aurélie Brame, peinture

La question de l'échelle : un objet - écran qui concentre beaucoup d'attention et de temps de regard ! Paradoxe entre la surface réduite et l'importance de la concentration visuelle et mentale qu'elle requiert. En cela similaire au regard porté sur les miniatures persanes ou les vignettes miniatures de menus d'ordinateurs.


L'impératif d'abstraction ! La surface est trop petite pour représenter quelque chose ! Donc réduction de l'image sur l'ongle à des motifs qui joueront avec le reste de l'environnement immédiat, c'est à dire : le maquillage, les bijoux et les vêtements.

Robots in Disguise
John Armelder, everything

Jeux du miroitant, du glossy, et de l'épaisseur de la surface, qui sont des questions picturales classiques.

Lubin Bauguin, nature morte

Carl André @ Yvon lambert, 2008
Adrian Schiess
Un jeu de surfaces, de strates, de support (recouvert, visible en partie, translucide), de socle (le doigt comme socle de l'ongle peint)


Jim Lambie, bam bam, 2004
Monstruosité du doigt coupé mais si proche de la délicatesse et de l'application ! On voit dans les images des sites dédiés aux praticiennes et amatrices de maquillage des ongles (nail art), on voit donc disais-je, une vision réaliste du corps; un corps qui s'expose comme matière (les doigts coupés par le cadre et boudinnés, des doigts réels et non plublicitaires), et qui expose aussi son fantasme, la vision que son propriétaire en a ou voudrait en avoir. Montage psychique et anatomique très fort sur une si petite surface hyper-compacte et donc rayonnante d'énergie.


Rachel Harrison, Amerigo Vespucci, 2007
Hans Bellmer, dessin

Une fonction rituelle et magique de capturer le mâle, comme le plumage des oiseaux qui sert à signaler sa présence, à attirer le partenaire. Comme chez Julian Opie, la peinture, l'application de pigment sur une surface à une fonction environnementale, de se faire remarquer dans un tissu très dense de signes et de mouvements : la ville.

Beuys, femme, 1971, bois et clous
Will Cotton, ice cream cavern, 2003
De l'humour, du jeu et un défi au goût qui me poussent à penser que André Breton, Max Ernst ou Picabia seraient fan de cet pratique. Dans un monde où les artistes sauraient franchir les barrages des classes sociales et où ils sauraient transgresser le classement des corps en zones de contact étanches entre elles, et bien cette pratique aurait des répercussions sur l'art.