mercredi 10 novembre 2010

Sister Mantos


Sister Mantos, Groupe de Los Angeles très
écoutable, queer pop délectable ... qq images en live ... et un extrait de Rose Poussière de JJ Schuhl (1972, Gallimard), pages 25 et 26 ...




"... jeunes garçons et filles refaisant ponctuellement le même geste, redisant inlassablement le même mot, comme la cire du microsillon redit des millions de fois un mot, un lambeau de phrase d'un groupe anglais. Détachement que donne la multiplicité — 23 000 paires de boots — Beauté instantanée due aux accessoires multiples et multipliés — Boots par exemple. Gardes mobiles, gardes rouges, groupes anglais.




Ce qui compte ce ne sont point les singularités qui se détachent d'une mode commune mais l'inverse : la lente montée d'un uniforme, le mouvement qui nous traverse, la perte de conscience individuelle, l'histoire sans moi, le monde moins moi, un geste sans auteur suspendu dans le vide et toutes ces choses qui sont la menue monnaie de la mort : gestes vite envolés ou au contraire sans cesse répétés, jeunes personnes — deux ou trois ou cinq — ensemble très guindé(es) et portant sur elles le signe évident quoique mince du dernier moment (mais comme on dit le dernier film : dans ce mot, la mode et la mort se joignent : dernier en date mais aussi y en aura-t-il un autre? La mort est la plus moderne des choses)






une façon justement d'être ensemble en des lieux très communs, de se mettre en jeu, de porter une écharpe, une façon américaine d'être belle en mangeant des endives braisées accompagnées d'une glace « Cassis Régnier Sundae » l'avant-bras appliqué et les yeux dans le vague. Et tout ce qui tend vers ce point dont la douceur est donnée dans un désespoir."




Caroline Heider

Caroline Heider, artiste et photographe allemande née en 1978 installée à Vienne où se trovue sa galerie : Winiarzyk et dont je découvre le travail via le Blog VVORK. Elle travaille sur le corps DANS/SUR la photo et sur l'image comme objet, matière physique, le pli, donc à suivre ...







C-print, collés ou/et pliés

mardi 9 novembre 2010

How To Dress Well & Jamie Harley

Pitchfork TV a mis en ligne pendant une semaine seulement 14 clips vidéos conçus par Jamie Harley pour l’album Love Remains du musicien How To Dress Well (HTDW). Constitué de found footages, d’extraits de films, scopitones, documents films divers, traités ou simplement décontextualisés, ils constituent un corpus et un travail curatorial superbement lié à la musique qui l’accompagne. Ou bien est-ce l’inverse …


Si les films ne sont plus en ligne au moment où vous lisez ces lignes, quelques uns sont visibles sur la page du compte Viméo du cinéaste/cinéphile sampler. On y voit par exemple (dans « You won't need me ») deux jeunes ados, mormons ou quakers, courant et fuyant sur un chemin de terre, fusil à la main. On ne sait pas si la caméra fuit avec eux ou si c'est elle qui les menace. Ou encore : « Suicide dream 2 » : de longs gros plans sur un visage féminin ravagé de douleur et de tristesse, mais protégé du kitsch et du premier degré par la dégradation de l'image (le coté écran télé re-filmé), par l’altération des couleurs, le ralentissement du défilement de l’image et des gestes, la perte du son et du contexte original.



A regarder plusieurs vidéo de la sélection, un motif central apparaît : on y voit la confrontation récurrente d'un corps soit à son environnement, un corps entravé ou emporté dans une fiction qui l’entrave ou bien un corps en état extrême de palpitation, corps aveugle à lui-même ou en l’état d’une perte de conscience de soi du à un moment d'intensité intérieure qui le rend aveugle à ce qui l’entoure… Un bon exemple : « can’t see my own face » : un homme dans les rues de New York avec un bandeau rouge sur les yeux les bras écartés et tournoyant halluciné dans la foule alors que la caméra ne le quitte pas des yeux… ou bien «
Lover’s start » où Jacques Brel le torse bombé contre le vent des cotes du nord, épuisé, est mis à l'épreuve. Ou bien encore les corps en transe pour le clip de Soars (« throw yourself apart »)

Ce qui se trouve être un dispositif de prise de vue et d'enregistrement très riche pour celui qui le filme. En effet, ainsi le corps du personnage/comédien qui apparait à l’image exprime et marque sur sa surface (le visage principalement) des états intérieurs inexplicables mais bien réels. Dans toutes ses vidéos, sont montrées et filmées des émotions authentiques, volées visuellement mais désirées et produites par la mise en scène de la situation. Le réalisateur de ces vidéos ne les a pas filmées, juste trouvées et curatées/sélectionnées et réunies sous un même angle de perception : la musique de How to Dress Well, Digression sur le musicien : How To Dress Well est le projet de Tom Krell, allemand de Cologne installé à Brooklyn, qui pratique une musique qualifiée par Pitchfork de « lo-fi bedroom pop » d’inspiration Soul et RnB. Voix fragile, étranglée et efféminée qui fredonne des tubes de soul flamboyants (qu’il écrit lui-même) comme on chantonne en écoutant la radio et en imitant vaguement les voix de divas noires, mais auto accompagné de son ordinateur et affichant une production à l’envers de la pop noire FM : c'est-à-dire avec du souffle, de la réverb, des grésillements et de très mauvais micros mais transformant cette basse définition en densité et une véritable richesse de textures. Les chansons oscillent entre mélancolie romantique, tension sombre et lyrisme saturé. Pour comparer les choses vite, on pourrait dire que c’est du Mariah Carey produit par des Cocteau Twins fauchés. On est clairement dans la lignée de Ariel Pink qui s’approprie des icones/genres ultra populaire/mainsteam de façon très intime et personnelle dans un vocabulaire indé. Il a mis en ligne (gratuitement) divers morceaux depuis son
blog .




On peut assimiler cette pratique à du dandysme qui dissimule l'émotion (soul, tortueuse et viscérale) sous une épaisse fumée synthétique et glaciale, pudique MAIS expressive. La meilleure preuve de cette logique au niveau visuel, le dernier clip de la sélection: « Suicide dream », une sorte de slow langoureux et lacrimale mais perçu depuis le fond des mers, accompagné d’images d'un corps d’homme-torche plongeant d'une falaise, mais diffusé à l'envers, c'est à dire sortant de l'eau verte (et mortifère) pour retrouver sa flamme brulante et vive en plein vol.


Il s'agit autant d'une pratique d'analyse de film (visionnage la main sur la télécommande plutôt que regard) qu’un jeu de mémoire, avec une culture visuelle sédimentée en même temps qu’une logique de heureux hasard de navigation qui le fait tomber sur tel ou tel film. Harley recycle un fond de culture cinéphilique hip, entre performances de Leigh Bowery (dans « walking this dumb »), films de style Zanzibar/Garrel (dans « you hold the water »), raretés japonaises (« my body »), documentaires sociologiques à la Mark Leckey. Tous évoquent par leur grain, couleurs et iconographie les films expérimentaux de Owen Land, George Kuchar, Sergei Paradjanov ou Kenneth Anger. A noter qu'il n'utilise que des films couleurs, soulignant une filiation pop et actuelle mais utilisant le grain 8mm, la saturation VHS ou film cinéma 70s ou 80s pour créer un décalage entre ce qui a l'air d'être de l'aujourd'hui mais avec un je ne sais quoi d'étrange et venu d'un monde parallèle. le cinéma alternatif ou d'auteur sert ici de réserve de monde, comme si la jeunesse alternative et numérique des US découvrait nouvel exotisme au travers d’une culture visuelle autre (dans le temps et l'espace) grâce au web et au piratage des supports numériques.


Les extraits sont ici remontés, ralentis ou traités comme un riff de guitare dans un ampli : manipulés, tordus, étirés, dédoublés, superposés, déréglés, inversés, saturés, difractés ... (comme Godard en vidéo ou même Sokourov). Harley travaille sur une expérience de seconde main, non pas l’expérience directe du tournage des films mais celle de leur consultation, archivage et visionnage comme matière numérique et non comme pellicule. Il manipule des corps déposés dans des images elles-même déposées dans un encodage de sauvegarde, le numérique/l’électronique. En se passant du film original, de sa matière pellicule, de son contexte et de toute dette envers les auteurs et les intentions intiales, il va en chercher, comme un archéologue, le cœur humain, le noyau dur, enfoui. Ou plutôt ce qu’il décide de voir comme le noyau dur là-dedans : l’émotion exprimée par l’acteur. Neutraliser le contexte a pour effet de faire émerger cette part humaine vraie nichée dans le corps du comédien. Il plonge ensuite leurs corps filmés dans un second bain de fiction, un nouveau contexte sonore et un nouveau contexte de diffusion (le clip sur internet) pour les faire renaître sous une autre forme ou plutôt rediriger la dynamique émotionnelle vers d’autres effets. Comme si l’image se dotait d’une nouvelle peau, comme du papier photo re-sensibilisé après utilisation ou viendraient se déposer et s’enregistrer d’autres sensations. On ne saurait plus alors distinguer celles de l’acteur au départ, dont le jeu et l’expression se trouvent défaits de la fiction qui l’encadrait de celles que le nouveau contexte sonore et le traitement de l’image fait naitre. Bain de jouvence de l’image et ré-activation du jeu de l’acteur qui se transmettent mutuellement leur qualités : l’image comme corps opaque et l’acteur comme présence et inversement.



La charge corporelle, à la puissance émotionnelle du rnb, du hip hop et de la soul, flamboyante, sexy, exubérante (cf. « Mr By & By » et « Decisions »), est ici atténuée mais au fond renforcée . En noyant les signes et l’écriture pop rnb de ces chansons sous des effets sonores et une certaine désincarnation par rapport au clinquant du référent initial, HTDW réussi paradoxalement a rendre le fond humain qui s’y cache plus présent et désirable que dans son modèle où il est exhibé et parodié de façon clownesque. Une chose voilée devient ainsi plus vive et désirable aux oreilles de l’auditeur curieux et amoureux des filtres qu’i l’en sépare. Tout cela fonctionne selon selon un principe classique de fétichisation : mettre à distance la chose désirée et jouir de cette distance et de l’exacerbation qu’elle génère.

dimanche 7 novembre 2010

Suspendu

Keith Sonnier, wall cloth piece 1968

Richard Tuttle, oeuvre récente non identifiée (frieze 2009)

Luciano Fabro, 3 façons de mettre les draps, 1968


Jessica Warboys, Sea painting, Dunwich 2009

Monde Complexe

Henry Moore à Hill Arches, 1973
Henni Alftan, le monde visible, 2010


Paul Mc Carthy, complex shit, projet de merde volante/gonflable (échoué) pour le Klee Zentrum à Berne
Yves Netzammer, film still non identifié


Victoria Reynolds, the flight of the reindeer, 2003, huile sur bois, 81 x 100 cm
Susan Hiller, hand grenades, cendres de peintures sous verre


Sam O'Neill, roses, 2004
Jason Dodge, détail, vu chez Yvon Lambert

FIAC 2010 - FOCUS

Quelques découvertes personnelles à la FIAC 2010, j'ai raté beaucoup de choses bien sur, mais fait quand même de belles trouvailles et ai vu des oeuvres marquantes, surtout au Grand Palais (y a pas a discuté !)




Women expo au stand de Gagosian: Plaisir suprème de retrouver de très bons artistes et très belles oeuvres et coup de force conceptuel, historique et marchand : accrocher ensemble et créer des champ/contre-champs entre les visages féminins d'un Picasso, une blonde de Lichtenstein (définitivement mon artiste préféré), un film-still de Cindy Sherman, ces deux derniers répondant très bien à l'infirmière De Kooningsienne de Richard Prince : une vraie vision du visage et du féminin comme jeu de masques et esquives, avec malice, disparaissant sous/dans les clichés et la cosmétique, de l'art, des images et de notre culture. Une vision qui prolonge et articule et expose le travail réel des artistes exposés, bref, un niveau exigeant profitable à tous (et fi des débats, rancoeurs jalouses et grincements vains de l'esprit face au commerce, l'argent etc)

Et aussi : L'homme debout expo sympathique, trop à l'étroit, mais réussie au stand Crousel avec de superbes Etienne Martin à coté de Hirshhorn et Séchas : corps troués, souples, traversés mais debouts ! très bien (sauf les pièces agrandies de Orozco : ridicule)

Et aussi

Les galeries dont j'ai noté le nom : Van Horn, de Dusseldorf, bel accrochage et choix, programmation très intéressante

et Kurimanzutto venue du Mexique, bel espace et accrochage, Bureau New York, en particulier pour les artistes Justin Matherly et Erica Baum (ci dessous)



Justin Matherly, Three Drafts of a Preface (III), 2007
OSB, MDF, pegboard, gold ext. acrylic mirror, pine, hollow core door, cedar, plywood, spray paint, acrylic paint


Justin Matherly, The degenerated instinct which turns against life with subterranean vengefulness, 2010

Concrete, ambulatory products



Erica Baum, Amnesia, 2009, Photographie

ainsi que la Galerie Linn Luehn de Cologne avec Christoph Schellberg, Michael Bauer, Kevin Zucker, Charlie Hammond et Florian Baudrexel, des trucs à la mode mais une cohérence et un gout particulier pour la rigueur et le monstrueux, la couleur et la matière sans perdre l'image. Bel équilibre.


Et un focus sur des artistes/Oeuvres découvertes :

Anca Munteanu Rimnic (ci-dessous) vue chez PSM, Berlin, artiste roumaine vivant en Allemagne, très tendance Kaleidoscope mais une sensualité des objets et formes exposés très subtile et précise. Visitez son site :
http://ancamunteanu.com/


Je découvre mieux John Bock, chez Regen Projects, j'adore, 3 oeuvres récentes ci dessous :



Et toujours Catharina Van Eetvelde chez Greta Meert, décidément une des artistes vidéo/numérique les plus intéressante actuellement, son travail évolue à grande vitesse et se déploie magnifiquement dans l'espace réel et mental. Le prolongement de Sylvia Baechli avec d'autres moyens ...

ici vue de son expo dans la galerie, pas à la FIAC

et pour le plaisir, un Lili Reynaud aperçu dans un coin, Black Mariah, 2009


puis un bel ensemble de Jan De Cock, des totems et meubles de mélaminé colorés hyper précis et sophistiqué chez Francesca Minini, Milan




suivi d'un beau Fischli & Weiss de 2010 à la Skarstedt Gallery



rappel historique d'un Broodthaers, "Société Dévisage ..." , 1969



Un Susan Hiller (oeuvres brulées et cendres conservés dans des tubes éprouvettes) 1970's


Et la grande Découverte de cette FIAC pour moi : Max Frisinger, à la Galerie Contemporary Fine Arts, des tableaux-reliefs-boites, malheureusement titrés à partir de titres de chansons pop (trop clichés) ...