lundi 3 juin 2013

Mark Rothko, une décennie

Entrance to Subway, 1938

Seuils et descente vers les profondeurs ! A partir de cette toile que j'avais adoré à l'entrée de l'expo du MAMVP il y a quelques années (le reste moins, trop pompeux-sollenel-viril-héroique-coincé de la tête-moderniste finissant) j'ai sélectionné un ensemble de peintures réalisées par Mark Rothko entre 1938 à 1948, les années 40 en gros. Je les ai découvertes tout récemment sur le net (signalées par Simon Bergala) dans le cadre cette expo aux USA : Mark Rothko : The decisive years, 1940-1950.


Non identifié, 1938-39

On démarre sur du réalisme social, grosse tendance des années 30 aux USA pour glisser sous l'influence, incontournable également, du surréalisme, au travers des exils des européens et de leur influence sur les premiers grands modernes américains (Pollock, Gorky). Cette dimension mythologique se retrouve dans les titres (Léda, Iphigénie, Antigone) sous forme d'un retour vers l'antique revu par Picasso/Henry Moore puis va explorer des dimensions plus intérieures et monstrueuses, proprement surréalistes (tendance Matta ou Ernst).


Antigone, 1941


Leda, 1941


Archaic Seascape, 1943



Ce qui me semble singulier (je connais assez mal le paysage autour et du même moment aux USA, sauf Gorky), c'est d'abord la théâtralité des poses, des figures, des formes et de l'espace pictural, même abstrait. Puis l'humour et la joie de l'apparition des formes, entre dessin, texture et couleur, tout se génère en même temps (comme du Klee), la composition est au bord du flou ou du chaos mais existe dans une lumière unique : parfois cotoneuse, aquatique, glacée, élastique, aqueuse ...



Composition, 1941-42



non identifié, années 1940

Syrian Bull, 1943


Iphegenia and the sea, horizontal phantasy, 1943



Hierarchical birds, 1944


Ca grouille mais ça s'organise progressivement, à mesure justement que ça devient abstrait, éclaté. Ca s'organise selon un ordre et des critères picturaux où le geste et l'improvisation sont tenus et cadrés, mis en scène par les bords. Cet art est celui d'une anatomie du vivant, c'est-à-dire du geste, de l'objet-oeuvre et du regard : tous les 3 en train de naître et de se dissoudre les uns dans les autres/ se défaire les uns des autres. Et surtout quelles couleurs (très Georgia O'Keeffe) ! Quelles images jamais vues ! Quelle tendresse pour accueillir tout ça dans son oeuvre, sous son pinceau, dans sa tête quand les autres vous demandent d'expliquer tout. On n'est pas du tout dans le momumental viril ou la compétition conceptuelle (et stylistique donc publicitaire) des années 50 où chacun devra faire son statement, toi ton zip, toi tes drippings, moi les bandes, l'autre les coulures etc, bref... (je reviendrai ailleurs sur cette dimension publicitaire de l'art et sur le "traitres de l'art moderne et contemporain", Frank Stella, Guston, Robert Morris par exemple, qui ont réagit à ça)


Aquatic drama, 1946


Sans Titre, 1946-47 (Tate Modern)


non identifié


Sans titre, 1947


Sans Titre 1947 (SF Moma)

Ici donc un choix personnel d'oeuvres de cette époque pour se rafraichir les yeux et la tête, ailleurs : La catalogue de l'exposition et de cette période, trompeur avec sa couverture très Rothko tardif  : MARK ROTHKO,The Decisive Decade: 1940–1950. Skira Rizzoli Publications, Inc. New York

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